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Travailleurs migrants : redoublons d’efforts pour leur garantir un travail décent

Statements

Travailleurs migrants : redoublons d’efforts pour leur garantir un travail décent

Les travailleurs migrants apportent une contribution significative aux sociétés d’origine et de destination du monde entier, dans tous les domaines : système de santé et services à la personne, mais aussi agriculture, bâtiment et autres secteurs essentiels au développement durable. Malgré la pandémie de COVID-19 qui sévit actuellement, ils continuent de fournir des services de première nécessité aux populations, mettant leur propre vie en danger pour aider à sauver celle des autres. Les médecins nés et formés à l’étranger représentent plus du quart des médecins de la planète.

Pourtant, la pandémie a mis en évidence les lacunes des systèmes actuels de gouvernance des migrations, qui ne permettent pas aux travailleurs migrants et à leur famille d’exercer leurs droits fondamentaux, les laissant sans protection et perpétuant la discrimination, la stigmatisation et la xénophobie.

En ce jour de la fête du travail, le Réseau des Nations Unies sur les migrations invite les États à œuvrer aux côtés des entreprises, des organisations d’employeurs et de travailleurs, des travailleurs migrants et de toutes les parties prenantes concernées pour atteindre les objectifs suivants :

  • respecter, protéger et réaliser les droits fondamentaux et les droits du travail de tous les travailleurs migrants, quel que soit leur statut, et sans discrimination. Ces droits sont notamment la liberté d’association et le droit de négociation collective, l’absence de travail forcé ou de travail des enfants, l’absence de discrimination et de xénophobie, la parité des rémunérations pour un travail de valeur égale, le droit à des conditions de travail décentes, et notamment l’accès aux mécanismes de protection des salaires et des revenus, des conditions de logement convenables, le droit à la protection sociale, ou encore les mécanismes d’accès à la justice ;
  • améliorer la portée, l’accessibilité et la qualité des services de santé au travail et des services de soins de santé primaires, ainsi que des systèmes de protection sociale afin de prévenir les blessures et maladies professionnelles et de garantir la bonne santé des travailleurs migrants et de leur famille, quel que soit leur statut juridique. Les acteurs des services de santé doivent lutter contre les facteurs épidémiologiques, mais aussi contre tous les obstacles à l’accès à ces services, notamment les freins d’ordre culturel, linguistique, juridique, administratif et financier ;
  • garantir l’inclusion des travailleurs migrants, quels que soient leur statut juridique ou leur nationalité, aux programmes nationaux de vaccination, et notamment aux plans de déploiement et de vaccination contre la COVID-19, et faire en sorte qu’ils puissent bénéficier de tels services dans un environnement protégé, sans risque d’expulsion ou de contrôle par les services de l’immigration ;
  • ratifier les normes internationales relatives aux droits de la personne et au travail, et appliquer les principes et droits fondamentaux sur le lieu de travail, notamment en adoptant des cadres nationaux de migration de main-d’œuvre, des systèmes de protection sociale et des mécanismes de gouvernance fondés sur les droits et tenant compte des sexospécificités ;
  • encourager la cohérence entre les politiques migratoires et les politiques d’emploi, notamment en poursuivant le renforcement et la reconnaissance des compétences des travailleurs migrants en réponse aux besoins réels du marché du travail ;
  • garantir un recrutement équitable et éthique des travailleurs migrants grâce à l’application des Principes généraux et directives opérationnelles concernant le recrutement équitable définis par l’OIT et à l’adhésion au Système IRIS d’intégrité du recrutement international, notamment en interdisant aux cabinets de recrutement, aux employeurs et aux intermédiaires de facturer des frais de recrutement ou des coûts connexes aux travailleurs migrants ou de les répercuter sur ceux-ci, ainsi qu’en investissant dans la collecte de données, concernant par exemple les commissions versées par les travailleurs ;
  • élaborer des politiques et des programmes en matière d’emploi garantissant la prise en compte des besoins spécifiques des travailleurs migrants en situation vulnérable, et en particulier les femmes, les jeunes, les travailleurs domestiques et les travailleurs migrants touchant de faibles revenus. Des mesures ciblées doivent être prises pour prévenir toutes les formes d’exploitation et de mauvais traitements, les signaler, lutter contre elles et y apporter des solutions efficaces ;
  • garantir des possibilités d’emploi décent et l’employabilité des migrants dans les secteurs de l’économie formelle des pays de destination mais aussi des pays d’origine à leur retour, ainsi que leur réintégration effective sur le marché du travail de l’après‑pandémie ;
  • assurer l’accès à l’information et la participation de toutes les parties prenantes à la formulation de la réponse à la pandémie de COVID-19, tout en luttant contre les discriminations, la xénophobie et la stigmatisation dont sont victimes les travailleurs migrants ; et
  • conclure ou actualiser des accords bilatéraux ou régionaux de migration de main‑d’œuvre afin qu’ils soient réellement centrés sur l’humain, fondés sur les droits et sensibles aux sexospécificités. Les accords bilatéraux et multilatéraux relatifs à la sécurité sociale doivent garantir l’accès des travailleurs migrants et de leur famille aux droits et aux prestations de protection sociale ainsi que la portabilité de ces droits et prestations, conformément aux normes internationales du travail.

Les travailleurs migrants vivent et travaillent souvent dans des conditions précaires, qui les exposent à un risque plus élevé d’infection par le coronavirus que les ressortissants du pays et les contraignent parfois à choisir entre leur santé et la possibilité de nourrir leur famille. Par ailleurs, les mesures de confinement et de couvre-feu ont eu des conséquences non négligeables, en particulier pour les travailleurs domestiques, qui sont principalement des femmes. Ces travailleurs ont ainsi dû fournir un travail supplémentaire et prendre davantage soin des personnes à leur charge, tout en étant exposés à des risques accrus de contamination par le virus, mais aussi à des risques plus importants de traite d’êtres humains, de violence sexiste et de harcèlement.

Notre attention et notre soutien doivent être dirigés en premier lieu, par nos efforts immédiats de protection, vers les personnes les plus vulnérables. Les travailleurs migrants doivent être pris en compte dans les mesures de réponse et de relèvement de la COVID-19, conformément à leurs droits et dans un souci de protection de la santé publique mondiale. Ils doivent ainsi bénéficier d’un accès équitable au dépistage, aux traitements et aux services de santé essentiels, et pouvoir notamment accéder aux programmes nationaux gratuits de vaccination contre la COVID-19, quel que soit leur statut juridique migratoire.

La pandémie a également mis en exergue l’absence de protection professionnelle de bon nombre de travailleurs migrants, notamment de millions de personnes occupant des emplois temporaires ou travaillant dans l’économie informelle. Les travailleurs migrants ont été les premiers à être licenciés, ils n’ont souvent pas pu réclamer les salaires qui leur étaient dus et se sont retrouvés malgré eux en situation irrégulière. Cela les a encore une fois exclus des mesures de protection sociale et d’aide économique, de l’accès aux services de santé et de la protection financière en cas de maladie. Par conséquent, de nombreux travailleurs migrants se retrouvent malheureusement aux prises avec la pauvreté et l’insécurité alimentaire, et soit restent bloqués sans emploi, sans abri et sans moyen de rentrer chez eux, soit font l’objet d’un retour forcé.

Même avant la pandémie, le morcellement des politiques migratoires et le non-respect des droits de la personne ou du droit du travail étaient des réalités quotidiennes pour bien des migrants et leur famille. Trop de migrants continuent à pâtir de discrimination salariale et de l’absence de reconnaissance de leurs compétences, qui les empêchent de s’élever et creusent les inégalités. Les données montrent que les travailleuses migrantes gagnent toujours moins que leurs homologues masculins, qu’elles soient migrantes ou ressortissantes du pays, la différence de salaires pouvant dépasser la barre des 20 % dans certains pays.

Il faut saluer le fait que, depuis un an, de nombreux pays aient pris des mesures pour protéger les travailleurs migrants, qu’il s’agisse de prolongations de visas, de régularisations ou encore de dispositifs de mobilité de la main-d’œuvre. Ces mesures ont permis à certains de ces travailleurs de ne pas tomber dans l’irrégularité et ont contribué à protéger leurs droits et leur dignité. Plusieurs pays ont pris acte de leur devoir de protéger, de respecter et de réaliser le droit des travailleurs migrants à la santé et à d’autres services essentiels, quel que soit leur statut.

Le Réseau des Nations Unies sur les migrations encourage la prise de telles mesures positives et inclusives, et exhorte les États à les développer afin de mettre en place des systèmes et une gouvernance des migrations de main-d’œuvre équitables, efficaces, sûrs et réguliers, conformément aux normes du droit international, des droits de la personne et du travail, et notamment aux principes et droits fondamentaux sur le lieu de travail. Ces mesures peuvent constituer une étape de la mise en œuvre des engagements pris par les États au titre du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, afin d’encourager des conditions de travail décentes et de protéger les droits des travailleurs migrants et de leur famille. Le respect de ces engagements donnera à ces derniers et aux partenaires sociaux, et notamment aux organisations d’employeurs et de travailleurs, les moyens de participer au dialogue sur la migration, à l’élaboration des politiques, ainsi qu’à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation des engagements.

Nous sommes à la croisée des chemins. Alors que le monde s’efforce de se relever « en mieux » de la crise mondiale de la COVID-19, nous devons redoubler d’efforts pour garantir un travail décent aux travailleurs migrants dans un monde plus durable, équitable et résilient à l’issue de la pandémie.

En ce jour de la fête du travail, célébrons tous ensemble les 164 millions de travailleurs migrants dans le monde en prenant des engagements en faveur d’un changement réel.


Le Réseau des Nations Unies sur les migrations a été constitué pour assurer aux États Membres un appui efficace, opportun et coordonné à l’échelle du système dans la mise en œuvre, le suivi et l’examen du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Si son mandat met l’accent sur les migrations, il invite les États à mettre également en œuvre ces recommandations lorsqu’elles s’appliquent aux réfugiés et aux demandeurs d’asile, et à protéger les droits fondamentaux de tous, quel que soit leur statut migratoire.

 

 

*Toutes les références au Kosovo doivent être comprises dans le contexte de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité des Nations Unies.